Mai
2014 Prologue
La
première étape n'est pas fatigante puisque nous allons en voiture
de Strasbourg à Chereng, village de 3 000 habitants des
environs de Lille. Avec
nos
amis Jean et Nadine nous visitons rapidement Lille et, en Belgique,
Tournai puis Courtrai. Donc un week-end heureux, paresseux et très
ensoleillé.
Etape 1. Chereng (banlieue de Lille) / Canterbury (Kent) 64 km
dont 47 en Angleterre
Le
GPS qui nous joue des tours et des côtes à n'en plus finir
La
gare de Lille Flandres est à 11 km du domicile de nos amis. Pour y
arriver nous empruntons presque uniquement des pistes cyclables mais
aussi pour quelques centaines de mètres une voie interdite aux vélos
en roulant sur l'étroit trottoir. A la sortie de la gare de
Calais Ville, la route semble interminable pour arriver aux terminaux
des ferries car on longe les installations pour faire une grande
boucle et arriver effectivement à la billetterie. Sur le ferry, des
groupes scolaires d'ados français ou allemands font un boucan
d'enfer mais c'est bien normal. C'est sans doute leur premier voyage
en ferry. Nous sortons les tout derniers du bateau, les cyclistes
sont une quantité négligeable. Ce temps d'attente permet
à Philippe de brancher son GPS et de constater que la carte d
Angleterre n'est pas chargée. Nous n'avons donc ni carte numérique
ni carte en papier que nous avions pensé superflue d'acheter ! Tous
les circuits qu'il a si minutieusement préparés n'apparaissent donc
pas. Il est vert de déception ! Nous devons donc trouver l'office du
tourisme pour trouver une carte.
La
sortie de Dover menant au château est une très longue et dure pente
qui nous laisse suant au sommet. Mais, si cette côté est la plus
longue de la journée, elle n'est pas la plus abrupte. Jusqu'à
Canterbury, ce ne sont que côtes et descentes. Nous essayons de
suivre l'itinéraire cycliste n° 16 mais la signalisation souvent
défaillante nous mène sur une route que nous considérons comme
trop dangereuse. Demi-tour, et nous reprenons notre itinéraire sur
des routes si étroites qu'une voiture ne peut doubler un cycliste !
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Nous faisons ensuite
environ 4 km sur une autoroute en roulant bien sûr le plus à gauche
possible. Une expérience inédite que nous ne souhaitons pas
renouveler. Cependant personne ne klaxonne et, en se trompant à
nouveau de route, nous découvrons que cette autoroute est à
certains endroits autorisée aux cyclistes pour aller sur plus de 10
miles vers Londres !
Nos
hôtes à Canterbury sont absolument charmants et intéressants. Mark
est parti à vélo avec son fils âgé alors de 18 ans de l’Irlande
jusqu'au Japon. De quoi passer une excellente soirée à bavarder.
Étape
2. Canterbury / Dartford (Kent) 84 km
Un
départ mouvementé car Philippe perd le précieux itinéraire avec
des renseignements très importants ensuite l'itinéraire est pénible
car les routes sont très encombrées.
Nous
quittons à regret nos hôtes et partons faire un rapide tour devant
la cathédrale. Nous n'avons ni le temps ni l'envie de la visiter
(10.50 £ l'entrée par personne) mais quelques photos
s'imposent. Je confie alors la liste de tous nos contacts mis à jour
au dernier moment avec au dos l'itinéraire précis pour rejoindre
Dartford. Philippe a un porte-carte transparent qui sera alors utile.
Au bout d'un kilomètre environ, Philippe s'aperçoit qu'il a perdu
ce précieux papier car il ne l'a pas mis dans le porte-carte mais
simplement glissé entre deux épaisseurs de plastique. Hier il
aurait pu être vert de rage et aujourd'hui rouge de honte.
Nous
refaisons le chemin inverse jusqu'à la cathédrale sans rien
trouver. Nous retournons chez Mark pour refaire l'itinéraire.
Mark, fin connaisseur des petites routes, nous conseille un chemin
forestier d'assez bonne qualité et en plus prépare l'étape du
lendemain. En repartant, à environ un kilomètre de la maison, je
trouve ce précieux document sur le trottoir, nous l'avions raté une
heure avant !
Le
chemin dans la forêt est pour nous seuls, les oiseaux et les
écureuils. Ce calme fait notre bonheur. Quel changement avec la
veille! Mais comme rien n'est parfait, nous prenons à un moment une
mauvaise direction et arrivons sur une autoroute. Remonter sur
environ 300 mètres un chemin caillouteux à cet endroit-là avec une
pente variant de 8 à 13 % nous fait d'autres muscles que ceux
les plus sollicités à vélo.
Nous
prenons notre dessert au bord d'une route, chez un maraîcher. Les
fraises du Kent, très grosses et assez pâles, sont excellentes. Le
maraîcher a raison. Elles valent largement nos meilleures fraises
françaises.
Nous
roulons pendant des kilomètres sur des routes très encombrées, qui
pour faire varier les plaisirs montent, descendent, montent et
redescendent dans une zone très urbanisée. Nous sommes aux portes
de Londres, une métropole d'environ 12 millions d'habitants.
Étape 3. Dartford / Londres /
Enfield (banlieue de Londres) 54 km
Une
belle journée avec la découverte principalement du Londres
moderne et une très agréable soirée
Décidément
les Français pullulent à Londres et dans les environs ! A l'hôtel
Campanile, Philippe a discuté hier avec le chef cuisinier de
Strasbourg. Une des serveuses et l'une des hôtesses à la réception
font des stages pour parfaire leur anglais. À Greenwich et à
Londres des hordes de jeunes Français encadrées par leurs
professeurs se promènent. Les drapeaux français que j'ai cousus sur
nos sacs de guidon ne laissent pas indifférent. C'est d'ailleurs le
but. "Vive la France" nous crient les enfants. On voit
aussi de l'intérêt dans les yeux des adultes. Le
jardin de l'observatoire de Greenwich est magnifique et offre en plus de son méridien, un panorama
exceptionnel sur Londres. De là, nous remontons la Tamise
jusqu'à Tower Bridge, lieu mythique qui vaut bien des séances photo
répétées. La promenade Reine Elisabeth créée à la fin des
années 1990 est très agréable et draine des milliers de touristes
qui se mélangent aux milliers d'employés qui viennent déjeuner en
plein air. La passerelle du millenium qui mène à Saint-Paul compte
quelques dizaines de cadenas accrochés par des couples d'amoureux.
Pourquoi sont-ils si peu nombreux par rapport au pont des Arts de
Paris ? Sont-ils coupés par la municipalité ?
La
traversée de Londres à vélo est à réserver aux cyclistes rapides
et pas timorés. On double à toute vitesse les bus à l'arrêt pour
se rabattre dans la voie de bus quand il y en a une, puis on cède la
place aux bus en se rabattant à droite sur la voie avec les
voitures. On se colle entre le trottoir et les voitures en l'absence
de voie réservée pour atteindre si possible le début de la file
près des feux tricolores. Il n'est donc pas facile d'observer la
ville dans ces conditions. Observer la ville n'est d'ailleurs pas le
souci des cyclistes londoniens, principalement masculins, qui
déboulent à toute vitesse.
Après
les quartiers de la finance, apparaissent des quartiers plus
populaires vers le nord de la ville. En quelques kilomètres, nous
croisons quatre femmes complètement voilées de noir, y compris le
visage, quelques vieux rastas cachant leur tignasse volumineuse dans
des bonnets puis des enfants d'une école juive orthodoxe avec des garçons portant kipas et des fillettes en jupes et collants
sombres.
Nous
passons la soirée chez Richard, un fondu de vélo, et Alison, institutrice, avec
qui nous parlons en français pour réveiller ses connaissances
linguistiques.
Étape 4. Enfield /
Cambridge (Cambridgeshire) 91 km
On
essaie de se diriger sans carte ni GPS et expérimentons les
premières pistes cyclables dans la campagne
La
piste le long de la Lee est bitumée au début mais rapidement le
bitume disparaît pour laisser place à du stabilisé de qualité
variable. Au fur à mesure que l'on s'éloigne de la banlieue
londonienne, la piste devient par endroits un simple sentier parsemé
de flaques. Comme nous n'avons pas de GPS et nous n'avons pas pu
trouver de carte, nous demandons sans cesse notre chemin, ce qui
réduit beaucoup notre allure. Avant Harlow, après 15 km, nous
renonçons à poursuivre sur la piste car elle comportera quatre
portes en chicanes pour le bétail. Ces portes ne peuvent pas être
franchies par des vélos, sauf en les soulevant. Impossible pour
nous. Nous reprenons la route avec un peu d'appréhension après les
trois étapes précédentes. Heureusement
la circulation est moins intense et la qualité du revêtement
s'améliore. Un orage nous arrête provisoirement avant Cambridge,
but de la journée.
La ville grouille d'étudiants cyclistes. Trinity
College apparaît sous son meilleur jour avec le soleil retrouvé.
Le marché sur une place centrale se vide mais on peut y voir encore
quelques réparateurs de vélos au travail et qui vendent des
accessoires pour vélos.
Alex,
professeure en relations internationales, nous accueille dans sa
petite maison ouvrière datant de la fin du XIXe siècle, l'une
d'une longue série formant toute une rue. A l'arrière toutes les
maisons disposent d'un jardin qui fait face à une autre série de
jardins pour les maisons de la rue parallèle. Entre ces deux rangées
de jardins, un étroit passage, comme une ruelle, dessert tous les
jardins, et aboutit à une porte fermée donnant sur une rue
perpendiculaire. Ce passage sert au stockage des poubelles mais surtout aux enfants qui sont en sécurité et vont facilement chez
leurs copains sans mettre le nez dans la rue envahie par les
voitures.
Étape 5. Cambridge / Peterborough
(Cambridgeshire) / Werrington 70 km
Vive
le vent dans le dos, la jolie cathédrale de Peterborough et un
accueil sympathique chez un couple !
Au
fur et à mesure que nous roulons vers le nord, la qualité des routes
s’améliore, le trafic diminue, nous ne roulons plus à
l’aveuglette puisque nous avons une carte routière. Le vent
continue à être favorable jusqu'à Peterborough, ville de 185 000
habitants. La cathédrale est donc vite atteinte. Elle se dresse
majestueuse dans un espace de pelouse et de bâtiments religieux
parfaitement entretenus. La façade est impressionnante avec trois
arches gothiques monumentales.
La cathédrale était autrefois
renommée pour sa relique du bras de Saint-Oswald. Le maillot de
notre club, l’Amicale Cycliste d’Ostwald, que porte aujourd’hui
Philippe, fait sensation auprès de la charmante dame qui donne des
informations.
Nous
avons encore la chance d’être hébergés par un couple sympathique
qui vit dans une superbe maison. Leur fille est en train de rouler de
Los Angeles à Ushuaia à vélo et elle est souvent aidée par des
membres du réseau Warmshowers. Pour rendre la pareille, Veronika et
Tony se sont eux aussi inscrits sur ce site et nous sommes les
deuxièmes hôtes pour eux. Tony est originaire de Liverpool ; son
accent du Lancashire est souvent difficile à comprendre. Cela
n’empêche pas de passer une soirée agréable à discuter et échanger autour d'un excellent repas.
Etape 6. Werrington / Lincoln
(Lincolnshire) 86 km
Une
matinée de pluie mais une arrivée sous le soleil
La
pluie était annoncée et elle n’a pas manqué le rendez-vous !
Nous sortons les pantalons de pluie et couvrons nos sacoches. Nous
apprécions aussi les imperméables pour les casques qui ont
l’avantage d’être jaune fluo et donc très visibles. Veronika
nous prie d’accepter quelques sandwiches pour midi en nous disant
que nous ne trouverons rien sur la route. Effectivement, les miles
s’additionnent et pas le moindre commerce pour acheter quoi que ce
soit. C’est la campagne profonde avec des haies, des prés,
quelques fermes isolées.
Apres
13 h, la pluie cesse et nous pédalons jusqu’à Lincoln dans une
« guest house » typique. Le salon est à disposition avec
boissons chaudes ou froides à volonté, petits gâteaux, revues,
fauteuils confortables, moquette épaisse et ordinateur. La
décoration très anglaise, « cosy », est un peu chargée
mais de qualité. Nous apprenons que cet établissement a été élu meilleure guest house d'Angleterre.
La
rue qui mène à la cathédrale de Lincoln s’appelle la rue en
pente. Inutile de s’y risquer à vélo tellement elle est abrupte.
Le quartier qui entoure la cathédrale est ancien et plein de charme.
Le soleil de fin de journée met superbement en lumière la façade
de la vaste cathédrale gothique. Un office est en cours dans le
chœur séparé de la nef par un jubé de dentelle de pierre. La
chorale est remarquable et nous offre un magnifique concert. La
collectionneuse que je suis regrette tout de même que nulle part il
ne soit possible de trouver une carte postale.Nous
sommes une veille de Bank Holiday, donc d’un jour férié. Des
jeunes femmes déambulent entre copines dans les rues en robes du
soir légères et relativement élégantes, ou en tenues osées
malgré la température frisquette.
Etape 7. Lincoln / Selby (North Yorkshire) 93 km
Une
étape très facile et une arrivée dans un pub
La
campagne très plate est sillonnée de larges et profonds fossés en
partie remplis d’eau. Les champs de blé succèdent aux champs de
colza ou de petits pois. Nous passons sur des canaux de différentes
tailles et près d’éoliennes par des petites routes tranquilles.
A
Selby, l’abbaye, en réalité, la grande église romane et gothique
de la ville, ne manque pas d’attrait. Un vitrail ancien montrant
les armoiries de la famille de Georges Washington serait à l’origine
du dessin du drapeau américain, ce qui explique la présence d’un
drapeau américain contemporain. L’Eglise d’Angleterre est pleine
d’idées pour attirer les jeunes. Tous les dimanches à 17 h 30, un
film est projeté sur un grand écran installé devant l’autel. La
sonorisation peut rivaliser avec un bon cinéma.
L’hôtel
où nous logeons est aussi un pub passablement fréquenté à 16 h et
extrêmement bruyant. Hommes, femmes et famille s’y retrouvent
entourés d’écrans qui diffusent des publicités ou des clips, et
d’appareils clignotants pour jeux vidéo divers.
Etape 8. Selby / York / Tollerton (North Yorkshire) 41 km
Une
piste cyclable aussi bonne qu’en Alsace et un accueil chaleureux
A
partir de Recall et jusqu'à York, la piste 65 est tracée sur une
ancienne voie ferrée : dénivelé nul, largeur convenable,
bitume excellent, déjà de quoi satisfaire des cyclistes exigeants.
C’est la meilleure que nous voyons depuis notre départ. De plus,
le système solaire a été représenté sur ce parcours avec des
planètes plus ou moins grosses espacées de plus d’un kilomètre
l’une de l’autre ou de quelques mètres proportionnellement à
leur distance dans l’espace.
Depuis
le centre ville de York, la piste au bord de l’Ouse est plus
étroite, très fréquentée mais très agréable dans les prés
couverts de fleurs.
Tollerton,
un village de 800 habitants, n’est qu’à quelques coups de
pédale. Sarah et Rome, sa mère, nous guettent devant leur
maison, Sycomore Cottage. Nous y passerons quelques jours de repos.
Repos à Tolleron et à Husthwaite
Pas
de vélo pendant quatre jours et demi ! Sarah, notre guide, nous
emmène pour une très belle promenade ensoleillée par les sentiers
(public footpath), au cœur du Yorkshire Dales National Park. Les
moutons broutent une herbe bien verte dans des prés délimités par
des murs de pierres sèches. Dans ces collines, le passage du Tour de
France est la grande manifestation de l’année. A Arkigg, beaucoup
de maisons sont déjà décorées avec des vélos jaunes découpés
dans du bois. Le comté du Yorkshire met tout en œuvre pour inciter
la population à prendre part à cet événement. Les côtes ici ne
sont pas bien longues mais certaines sont abruptes.
Le
musée du chemin de fer de York expose beaucoup de locomotives, de
wagons de toutes les époques, de souvenirs de toutes sortes et la
gare reconstituée grouille de monde qui mange sur les quais plus confortablement
que dans les gares actuelles.
Nos
amis, Breda et Mike, à Husthwaite ont la passion du jardinage comme
beaucoup d'Anglais. Ils ont transformé le champ derrière leur
maison en un vaste jardin. Des arbres de différentes essences, des
bosquets de fleurs ont été plantés. Une mare aux canards a été
creusée. Un petit pont de bois enjambe un ruisseau. Le gazon est
parfait. Pour profiter le plus possible de ce jardin remarquable,
nos amis ont agrandi leur maison dont maintenant le salon à la vaste
baie vitrée donne sur le jardin.
Une
escapade dans la station balnéaire renommée de Scareborough sous un
merveilleux soleil est l'occasion de goûter à une spécialité
mythique de l'Angleterre : le fish and chips, un gros morceau de
poisson pané frit et servi avec des frites. Autre spécialité
mythique, le pub, où nous avons eu la chance de finir une soirée
dans une ambiance chaleureuse et musicale.
Pour
finir en beauté, Breda tient à nous offrir le dîner servi avec des
couverts soignés, trois couteaux, deux fourchettes, trois assiettes,
deux verres, l'élégance à l'anglaise dans une ambiance amicale.
Etape 9. Huswaithe / Bowburn (comté de Durham)
88 km 868 m de
dénivelé
L'Angleterre
agricole et paisible et l'Angleterre minière
Au
fur et à mesure de notre avancée vers le nord, les côtes
deviennent de plus en plus fréquentes. Elles sont courtes mais l'une
atteint quand même 13 %. Les fermes succèdent aux fermes. Quelques
troupeaux de vaches alternent avec des moutons.
Nous
arrivons dans une ancienne région minière.
Les petites maisons de
brique rouges toutes semblables forment des rubans le long de
Bowburn. Le chômage y est important et, nos hôtes nous précisent qu'ici, certains se contentent de
toucher leurs allocations sans vouloir se déplacer de quelques
kilomètres pour trouver un travail.
Etape 10. Bowburn / Durham / Newcastle-Upon-Tyne / Newburn (près
de Newcastle) comté de Tyne and Wear 60 km
Des
côtes et des ponts qui demandent de maitriser parfaitement les
dérailleurs
Durham
s'étage sur des pentes escarpées jusqu'à la rivière Wear. La
cathédrale est un joyau d'architecture romane.
A notre arrivée, les
cloches sonnent longuement en offrant aux habitants un concert qui
peut rivaliser avec les beffrois du nord de la France. Autour de la
grande pelouse devant la cathédrale, l'université est installée
dans des bâtiments de style Tudor.Jusqu'à
Gateshead, cette ville faisant maintenant partie de Newcastle, les
côtes et les descentes sont de plus en plus raides et nous jouons
sans cesse des dérailleurs. L'ange du nord (The angel of the north)
tend très largement les bras. Cette sculpture monumentale en acier
datant de 1997 et haute de 20 m, large de 54 m, fait la fierté des
habitants.
En
quelques coups de pédale, nous traversons un impressionnant pont
métallique qui surplombe la Tyne. Newcastle compte de très grands
ponts de toutes sortes, dont une passerelle futuriste, le pont du
millénaire, à proximité d'un bâtiment aussi futuriste au toit
métallique ondulé et brillant, le palais de la musique.
Nous
empruntons depuis le bord de la Tyne la piste d'Hadrian qui nous mène
dans un petit village, Newburn, où nous dormons ce soir. La piste
est convenable, sauf sous un petit tunnel inondé et encombré de
détritus, seul moyen d'éviter un croisement de voies rapides. Les
pistes ici sont pleines de surprises.
Etape 11. Newburn / Mur d'Hadrian / Melkridge (Northumberland)
65 km
De
redoutables côtes sous la grisaille, un retour dans le passé au
mythique Mur d'Hadrian et la ville romaine
La
piste 72, la piste d'Hadrian, est tracée sur une ancienne voie
ferrée, la Wylam Waggonway, un des berceaux du chemin de fer. Dès
1763, des wagonnets tirés par des chevaux circulaient sur des rails
en bois, puis à partir de 1803, sur des rails en fer. Rapidement
ensuite les toutes premières locomotives à vapeur ont pris le
relais.
Cette
piste d’Hadrian ne mène pas au Mur d'Hadrian. Désorientés, nous
arrêtons un groupe de cyclistes avec un plan plus détaillé. Ce
sont cinq cousines norvégiennes qui ont acheté un voyage, clé en
main, avec location de vélos. Elles sont sans doute plus habituées
que nous à la grisaille et au vent frisquet. Le mur d'Hadrian au
Fort de Housesteads est atteint non sans effort car la route se plaît
à monter et descendre de manière vertigineuse. Pauvres Romains ! Il
fait froid, il pleut et ils n'étaient pas aussi bien équipés que
nous. D'ailleurs, des écrits ont été retrouvés où un soldat
remercie sa mère pour les chaussettes et les culottes chaudes qu'elle lui a
envoyées. Un peu plus loin, Vindolenda était une ville où soldats
et civils vivaient dans un confort relatif.
17
% et sur près d'un kilomètre et demi ! C'est la côte pour arriver
au camping de Melkridge ! Je pousse lamentablement mon vélo et même
le compteur refuse d'afficher la vitesse tant je vais lentement ! La
bunk barn que nous avons réservée est une chambrette avec des lits
superposés, mitoyenne à l'annexe des sanitaires. N'ayant pas de
matériel de couchage, nous avons également loué draps et couettes.
Bouilloire, micro-ondes, sachets de thé et de café sont aussi à
disposition, tout ce qu'il faut pour jouir d'un soleil finissant.
Etape 12. Melkridge / Kendal (Cumbria) 105 km
1072 m de dénivelé
Direction
vers le sud pour la plus longue étape depuis le départ, la plus
belle route, et un col qui ne dit pas son nom.
Notre
progression vers le nord est terminée et nous filons vers le sud.
Nous nous habituons aux routes fréquentées mais apprécions au sud
de Carlisle notre meilleure route depuis Douvres, la A6 : large, bien
revêtue et à circulation très faible. Mon vélo depuis quelques
jours fait des bruits inquiétants à l'arrière. Est-ce la roue
libre qui faiblit, est-ce les roulements qui fatiguent, et, on ne
sait jamais, l'axe qui va rompre ?
Penrith est une des portes du Lake
District où le cyclisme est très apprécié. Les vélocistes sont
nombreux. En trois quarts d'heure le problème est réglé :
changement des cuvettes et des roulements. Je repars le cœur léger
mais 3 ou 4 km plus loin, le pédalier se met à faire du bruit à
chaque coup de pédale ! Et plus j'appuie, puis le bruit est fort.
A
partir de Shap, j'entends le bruit de plus en plus car la route monte
très régulièrement et constamment. Les pentes aux tons verts les
plus différents ne sont plus parsemées de moutons. Il commence à
faire froid. Des panneaux nous préviennent que la route peut être
verglacée. Le sommet à 1 440 pieds n'a pas de nom mais nous
faisons une pause pour lire sur le petit monument l'hommage rendu à
tous ceux qui ont construit la route et secouru les voyageurs en
détresse.
De
l'autre côté, le soleil est au rendez-vous et tout est plus riant.
Moi aussi car le vélociste de Kendal trouve en deux minutes que le
bruit ne vient pas du pédalier mais simplement des pédales
insuffisamment serrées !
Etape 13. Kendal / Longridge (Lancashire)
80 km
Une
journée bien grise et une soirée ensoleillée par nos hôtes
Lancaster
est une cité assez grise, il pleut un peu et le centre piétonnier
est en partie en travaux. Rien de bien souriant. Le château nous
laisse indifférents mais nous passons sur le pont du millénaire,
réservé aux piétons et aux cyclistes. Nous croisons pour la
première fois des cyclotouristes à sacoches, ou à paniers comme on
dit en anglais. Comme les cyclistes ont généralement deux
"paniers", on prononce le s à la fin, oscillant entre un
accent français pur jus et un accent anglais du meilleur effet.
Par
des petites routes qui ondulent sur les collines nous arrivons à
Longridge, petite ville où nous sommes reçus très chaleureusement
par un couple de cyclistes, Nick et Ginette, qui ont voyagé pendant
trois ans en Europe, Asie et Australie. Grâce au site Warmshowers,
nous faisons ainsi de formidables rencontres et des économies
appréciables.
Cependant,
à quelques centaines de mètres de l'arrivée, j'ai la peur de ma
vie. Philippe traverse une route en oubliant qu'on roule à gauche
ici et regarde du mauvais côté. La voiture heureusement freine
assez pour s'arrêter et laisser passer cet étourdi. Depuis plus de
deux semaines que nous sommes en Angleterre, nous pensions pourtant
avoir acquis les bons réflexes mais un instant d'inattention peut
être fatal.
Etape 14. Longridge / Liverpool (Lancashire) 87 km
Des
pistes cyclables redoutables, des kilomètres de bandes bitumées le
long de routes bruyantes et un vent à décorner les bœufs
Notre
hôte, Nick, nous conseille une piste cyclable pour éviter la route.
C'est charmant mais, une fois de plus, nous sommes étonnés. La
piste qui contourne Preston offre dans un sous-bois une descente de
20 % en terre avec des passages boueux, puis des grilles à bestiaux.
Il est donc nécessaire d'avoir de bons pneus.
Le
bord de mer près de Southport est très venteux et nous ne dépassons
guère les 10 km/h en terrain plat. Nous faisons une halte à
Marshside, une réserve d'oiseaux avant de nous diriger, fatigués et
affamés, vers le premier restaurant venu, un MacDonald's, une chaîne
qui nous reverra, ce qui est contre nos habitudes. En effet, pour
avoir la WIFI, il n'est pas nécessaire d'avoir un portable
britannique, à l'inverse de certains cafés.
A Southport démarre la Transpennine, la piste 62, qui va de la mer d'Irlande à la mer du Nord sur 215 miles, via Liverpool et à son extrémité à Selby et Hornsea. Nous l’empruntons jusqu’à Liverpool grâce aux explications très détaillées d’un cycliste.
A 18 h, nous arrivons au centre-ville de Liverpool dans des rues presque vides et sommes stupéfaits par un des trois bâtiments appelés "les trois grâces", un bâtiment massif, énorme et haut, le Liver Building, souvenir de la grandeur passée du port.
Une journée de repos passée à visiter Liverpool.
Cette
ville est surprenante tant par ses larges rues où l'on peut circuler
à vélo sans être
particulièrement gêné par les voitures, que
par l'architecture de ses bâtiments qui mélange
l'ancien et le
moderne.
La cathédrale catholique
d'architecture moderne est à ne pas manquer, ainsi que la bibliothèque dont la façade ancienne et peu engageante cache un agencement
moderne où les étages ouverts sont baignés de lumière grâce au
dôme de verre couronnant l'édifice.
Cet ancien port industriel a réussi à convertir ses docks devenus obsolètes en une promenade agréable où galeries d'art et
magasins font le plaisir des promeneurs.
Partout les portraits des « 4
garçons dans le vent » qui ont fait la renommée de la ville
sont présents. Magasins et musées permettent aux fans des Beatles de satisfaire leur passion, mais les prix d'entrée de près de 20 €
par personne peuvent être dissuasifs.
Etape 15. Liverpool / Shrewsbury (Shropshire) 103 km
Pluie
battante au départ sur des routes encombrées mais accalmie en fin
de journée
Nous
quittons à regret notre charmante hôtesse, surtout que la pluie
assez forte ne semble pas vouloir s'arrêter.
Équipement maximum
contre la pluie et je me félicite d'avoir cousu une housse pour ma
sacoche de guidon avec le tissu d'un parapluie hors d'usage. Le reste
du tissu a failli passer à la poubelle quand je me suis ravisée et
l'ai emporté. Il couvre maintenant tant bien que mal mes sacoches à
l’arrière. C'est du bricolage assez efficace et voyant car le
parapluie était rouge et bleu, tout ce qu'il faut sur les routes
pour être vu. Pendant
presque toute la matinée nous pédalons courageusement sous une
pluie battante qui devient de la bruine. Nos pieds sont complètement
mouillés et le resteront toute la journée. Mon cuissard est aussi
mouillé que la couche d'un bébé au petit matin.
Whitchurch
s'enorgueillit d'abriter une entreprise familiale, Joyce, qui
construisit dès 1690 des horloges monumentales pour les bâtiments
jusqu'à Shanghaï et en Afrique du Sud. Shrewsbury est une ville
connue pour ses maisons remarquables par la qualité de leurs
colombages très ouvragés peints en noir et aux murs blancs.
Etape 16. Shrewsbury / Ironbridge / Bewdley (Worcestershire)
68
km
Une
vallée industrielle historique et des côtes, puis un accueil très
apprécié
Le
pont de fer, Ironbridge, a été construit avant la Révolution
française dans une vallée déjà industrialisée grâce au fer, au
charbon, à l'argile et l'eau disponible tant pour la force motrice
que pour le transport.
C'était à cette époque l'endroit le plus
industrialisé du monde. Aujourd'hui, la vallée attire les touristes
avec des musées consacrés aux différentes activités du passé. Ce
passé glorieux a permis à cette vallée d'être inscrite sur la
liste de l'UNESCO.
La
région nous réserve de terribles côtes et nous arrivons à Bewdley
sous un ciel menaçant. Nous sommes attendus dans une maison bien
difficile à trouver si bien que nous téléphonons à notre hôte
pour plus de détails. David vient finalement à notre rencontre en
voiture et prend nos sacoches. Cela nous permet de faire le dernier
kilomètre terriblement pentu sans poser pied à terre.
L’accueil
par les membres du réseau Warmshower est toujours chaleureux, que ce
soit dans des maisons minuscules ou des demeures bourgeoises
immenses, comme ce soir. Ces soirées autour d'un repas sont l'occasion d'échanges enrichissants qui nous obligent à mettre notre anglais en pratique.
Etape 17. Bewdley / Hereford (Herefordshire) 57 km , 870 m de dénivelé
Une
étape courte mais mémorable avec de la pluie, des inondations, une
réparation et une côte éreintante
A
100 mètres du départ, nous nous équipons contre la pluie qui
commence à tomber et 1 km plus loin, nous avons la bonne idée de
nous abriter dans Bewdley sous un passage couvert avant que l'orage
ne commence vraiment. Nous attendons presque une heure et repartons
avant de trouver la route inondée par une eau, couleur gré des
Vosges.
Philippe contourne comme il peut mais je me lance malgré le
courant pour passer en levant les jambes le plus haut possible. Des
voitures passent lentement en faisant des gerbes de deux mètres de
haut. Quelques centaines de mètres plus loin, une mare est encore
plus longue, plus profonde, le courant plus fort et les
automobilistes nous recommandent de faire demi-tour. Après 4 miles
de côtes, nous ne pouvons nous résoudre à refaire le chemin et à
prendre une route plus longue. On se lance l'un après l'autre.
Malheureusement, l'élan n'est pas suffisant et il faut pédaler
avant le bout de la mare ! Bain de pieds complet qui m'oblige à essorer mes chaussettes !
Avant
Bromyard, une terrible côte est à gravir, d'environ 1,5 km avec une
pente le plus souvent entre 10 et 15 %. Je pousse piteusement mon
vélo tandis que Philippe met un point d'honneur à terminer sur le
vélo mais fait les dernières dizaines de mètres en danseuse. Le
sommet est couvert de digitales rose violacé en pleine floraison,
une récompense après un tel effort.
Après
un arrêt pour déjeuner à Bromyard, je constate que ma roue arrière
est à plat. La valve de la chambre à air qui depuis le début
avait une fâcheuse et curieuse tendance à sortir du trou de la
jante a finalement cédé, elle est irréparable. Notre chambre à
air de rechange, de type Schrader, ne rentre pas dans la jante !
Heureusement, et merci les petits commerces de proximité, deux
nouvelles chambres à air d'excellente qualité peuvent être
achetées à deux pas !
Etape 18. Hereford / Monmouth (pays de Galles) / Henbury (banlieue de
Bristol) 76 km
Toujours
du nord vers le sud. Les prévisions météo annoncent de la pluie,
tous les hôtels et les chambres d'hôtes sont complets mais la
chance nous sourit.
La
pluie annoncée ne vient pas et la campagne anglaise est ravissante.
Les collines aux prairies bien vertes sont piquetées de bosquets, de
haies, de petites forêts. Collines veut dire "côtes" en
langue cyclotouriste et entre Hereford et Monmouth une côte
m'oblige, une fois de plus, à pousser mon vélo. Au-dessus de 10 %,
je pédale encore s'il y a moins d'un demi-mile mais au delà, je me
reconvertis à la marche !
Monmouth
est au Pays de Galles où nous faisons une incursion. Les panneaux
sont doublés en gallois et nous apprenons très rapidement que
"araf" veut dire "slow" puisque c'est peint sur
la route. A partir de Monmouth, la route suit une rivière, la Wyre,
le plus souvent en descente dans la forêt. Avant Bristol, la Severn
qui s’élargit en estuaire est enjambée par deux ponts. Une large
piste cyclable très sécurisée mais venteuse est aménagée sur
celui de Chepstow.
Bristol,
la sixième ville d'Angleterre, est très active et les hôtels sont
complets en semaine. Nos tentatives par internet, téléphone et même
sur place sont vouées à l'échec. Préoccupés et cherchant notre
chemin, nous sommes abordés par une dame qui nous propose de dormir
chez elle. Proposition acceptée d'emblée et nous suivons Jan chez
elle, à quelques pas de là. Discussion amicale bilingue avec cette
cycliste qui s'apprête dans quelques mois à faire Land's End/John
O'Groats, de l'extrémité sud-ouest de la Grande-Bretagne à
l'extrémité nord-est, un itinéraire très en vogue parmi les
cyclistes anglais.
Etape 19. Henbury / Bristol / Wells / Coxley (Somerset)
69 km
Du
fromage à Cheddar, des gorges et une invitation inattendue
Nous
suivons la rivière Avon pour aller au centre de Bristol. La rive
gauche est constituée de falaises au bas desquelles la route a été
taillée. Nous passons sous un pont suspendu impressionnant, le
Clifton Suspension Bridge, haut de 75 m et construit au milieu du
XIXe siècle, avant d'arriver au centre de Bristol, ancien port de
commerce où de vieux bateaux sont amarrés au bord des docks.
Pour
éviter des côtes qui nous contraignent à pousser le vélo, nous
décidons de prendre la grande route qui va vers l'aéroport. C'est
moins fatiguant mais la circulation est intense et nous devons être
très prudents. La route pourtant monte légèrement pendant près de
10 km. Aussi la moindre descente un peu plus loin est un bonheur.
A
Cheddar, le village qui a donné son nom au célèbre fromage
anglais, il reste une laiterie et nous suivons la fabrication, puis
nous goûtons à une petite dizaine de cheddars différents. Le
village s'étire le long de la rivière qui a formé une gorge où
promeneurs et amateurs d'escalade sont nombreux. Nous repartons en
remontant la route des gorges sur près de deux kilomètres.
Enfin
une très belle descente jusqu'à Wells avec un panorama magnifique !
Wells est connue pour sa cathédrale et nous faisons une rencontre
inattendue. Comme nous sommes à la recherche d'un hébergement, une
cycliste nous propose spontanément de venir passer la nuit chez
elle. Décidément les Anglais sont formidables ! Le drapeau français
que j'ai cousu sur nos sacoches de guidon semble nous attirer la
sympathie. La conversation passera de l'anglais au français sans
arrêt, y compris avec son fils jusqu'à l'heure du coucher dans une
ambiance très amicale.
Etape 20. Coxley (près de Wells) / Glastonbury / Tiverton (Devon)
80 km
Beaucoup
plus de descentes que de montées, le bonheur !
Nous
avons du mal à quitter Jenny tant nous bavardons et nous nous
promettons de continuer à Strasbourg. A quelques kilomètres
seulement, Glastonbury est une ville où la spiritualité est à
l'honneur avec des boutiques ésotériques en tous genres. Depuis 10
000 ans semble-t-il, les hommes viennent au sommet du curieux
monticule de 145 m de haut pour être en communion avec les dieux. La
tour d'une église au sommet a résisté au temps et sert de repère
à tous les environs.
Pour
y monter, la pente atteint quand même par endroit 14 % que j'arrive
à monter sans poser pied à terre. En début de matinée, je ne suis
pas encore fatiguée et l'étape d'hier était facile. Après avoir
cadenassé nos vélos, nous prenons le sentier pour escalader le
monticule qui offre une vue à 360° sur la campagne. Au bas de la
tour, un homme joue du tambourin en fermant les yeux enveloppé dans
des odeurs d'encens tandis qu'un autre semble en méditation.
Le
terrain plat est apprécié sur une vingtaine de kilomètres dans
cette partie du Somerset, puis le paysage devient un peu plus
vallonné mais avec des pourcentages de 5 à 7 % tout à fait
supportables même pendant de longues côtes.
Etape 21. Tiverton / Launceston (Devon) 78 km, 1 400 m de
dénivelé
sud-est
de l'Angleterre
La
campagne du Devon dans toute sa splendeur mais pas sans effort
Les
premiers 20 km sont vallonnés et nous grimpons trois côtes de plus
de 10 % avec une pointe à 14 %. Heureusement, le relief
s'adoucit ensuite. Pour venir à bout des côtes, je m'accroche aux
cornes de mon guidon et pédale tranquillement tandis que Philippe
m'attend patiemment au sommet. Les maisons de brique ont complètement
disparu, remplacées par des maisons peintes en blanc. La route
jusqu'à Launceston offre régulièrement des panoramas étendus sur
les collines verdoyantes du Devon, les bouquets d'arbres sous un ciel
très bleu, une campagne de carte postale.
Les
Anglais courent, pédalent ou marchent souvent pour récolter de
l'argent en faveur d'une association. C'est tellement populaire ici
que certains non sportifs s'étonnent que nous fassions le tour
d'Angleterre seulement pour notre plaisir. En revanche, certains sont
plus réservés sur cette technique de levée de fonds car une partie
plus ou moins importante de l'argent sert à l'entretien du sportif.
Etape 22. Launceston / Tintagel / Newquay (Cornouailles) 84
km
Mille
miles au compteur et un site à couper le souffle
Launceston
(qui se prononce Lonstone) est construit sur deux collines très
escarpées dont l'une est surmontée par les ruines d'un château
moyenâgeux entouré de pelouse propice aux pique-niques. Le centre
ville se concentre autour du château qu'il a bien fallu atteindre
hier soir à la force des mollets et des biceps. Ce matin, il faut
grimper sur l'autre colline dont la pente dépasse 10 % mais ensuite
nous pédalons sur une route tranquille aux talus piquetés de
boutons d'or, de digitales et d’œillets sauvages pendant des
kilomètres.
Tintagel
est connu grâce au Roi Arthur qui serait né ici et pour le château
dont les ruines subsistent sur des falaises battues par la mer d'une
beauté extraordinaire. Le site offre des points de vue grandioses
sur la côte et les alentours sous un soleil éclatant. C'est un
spectacle dont nous ne nous lassons pas. Les 6 £ que coûte l'accès
au site ne sont pas exagérés car des aménagements sécurisés
permettent de profiter au maximum de l’endroit. Le Roi Arthur n'a
peut-être jamais existé et les ruines du château datent du XIIIe
siècle "seulement". Le duc de Cornouailles l'a fait
construire pour accroître son prestige et son pouvoir en faisant
référence à la légende du Roi Arthur déjà bien établie à
cette époque.
Jour de repos à Newquay (Cornouailles)
Une
journée nécessaire pour reposer nos jambes
Newquay
est bordée par une longue plage de sable fin que nous parcourons les
pieds dans l'eau à marée basse pendant que des courageux s’initient
au surf en combinaison vu la température de l’eau. Comme nous
sommes en Cornouailles, nous mettons un point d'honneur à goûter
une spécialité : le Cornish Cream Tea.
Le thé est servi avec
deux sortes de brioches, des scones, que l'on agrémente d'une couche
de crème très épaisse et de confiture. La Cornish Cream est une
crème fraîche qui a été légèrement chauffée puis refroidie
pour former une fine croûte. Elle doit être plus ferme que la plus
épaisse de nos crèmes fraîches et seulement un peu plus molle que
du beurre. A consommer avec modération, même pour des cyclistes.
Etape 23. Newquay (Cornouailles) / Gullworthy (près de Tavistok)
(Devon)
81 km 1 456 m de dénivelé
Des
côtes pour faire des champions cyclistes ou pour faire de la marche,
et le retour vers l'est du pays
Nous
quittons Newquay, notre point le plus à l'ouest, et nous dirigeons
maintenant à l'est vers Dover (Douvres en français) que nous
atteindrons la semaine prochaine. Les routes sont assez fréquentées
et nous avons bien étudié le parcours pour prendre un itinéraire
tranquille. Nous traversons des espaces sauvages où poussent des
genêts et quantités de marguerites. Des sapins couvrent certaines
pentes.
A
Bodmin, nous ne trouvons pas la petite route et nous engageons sur la A 38, étroite, où la circulation est infernale. Après deux
ou trois kilomètres, nous quittons cet enfer de circulation et nous prenons une petite route. Nous
sommes prévenus qu'il y a une colline mais nous ne savons pas que la
pente va jusqu'à 18 % en restant presque tout le temps entre 10 et
13 % pendant 1,5 km. Je pousse ou je tire alternativement mon vélo
tout en profitant de la belle forêt et des fougères. Les coureurs
britanniques peuvent venir s'entraîner ici car le revêtement est
bon et la circulation quasiment inexistante. Pour tous ceux qui
ambitionnent de conquérir un jour des sommets ou même le maillot à
pois, l'endroit est à recommander. La condescendance envers les
Anglais parce qu'ils n'ont ni les Alpes ni les Pyrénées n'est pas
de mise. Il y aurait d'ailleurs 200 côtes à plus de 20 % en
Grande-Bretagne.
Avant
Liskeard, la petite route est presque aussi difficile, presque aussi
longue mais empruntée par beaucoup de voitures. Je travaille encore
plus avec les bras pour me tirer sur les sommets. La route est
souvent en balcon et nous récompense en partie de nos efforts en nous offrant de beaux panoramas. Peu
avant la fin de l’étape, nous quittons la Cornouailles en passant
sur la rivière Tamar pour entrer à nouveau dans le Devon.
La
conduite à gauche n'est pas encore automatique, ni pour l'un ni pour
l'autre. A l'extrémité d'une piste cyclable tracée sur la partie droite de
la route, nous continuons pendant une cinquantaine de mètres sur la
droite et nous faisons vigoureusement rappeler à l'ordre par un
conducteur.
Etape 24. Gullworthy (près de Tavistock) / Exeter / Christow
(Devon) 84 km
Des
retrouvailles chaleureuses mais encore des itinéraires à réserver
pour l'entraînement des champions sans sacoches
Nous
quittons notre petit "bed and breakfast" charmant où nous
avons été chouchoutés par un couple un peu porté sur la bouteille
mais chaleureux. En effet, le soir, loin du moindre village pour
faire des achats ou aller au restaurant, le mari nous a confectionné
de délicieux sandwiches qu'il nous a offerts et ensuite le couple
est venu partager avec nous des fraises et des framboises
accompagnées de "Cornish Cream".
Pour
éviter les redoutables côtes du parc national du Dartmoor, nous
remontons vers le nord et repassons à Okehampton, fermant ainsi la
boucle que nous avons entamée il y a cinq jours pour visiter un peu
la Cornouailles. La route pourtant n'est pas de tout repos mais offre
de beaux paysages de campagne avec de grands troupeaux de vaches
allant du blanc, au rouge, au noir profond et du tacheté brun au
tacheté noir.
Exeter
est construite sur une colline et s'enorgueillit d'une cathédrale à
la vaste façade de pierre très claire entourée comme presque
partout d'une grande pelouse, rendez-vous des flâneurs, des
étudiants et des touristes.
Victoria
nous a donné rendez-vous devant la cathédrale. Elle était passée
à vélo avec son compagnon, Ben, à Strasbourg l'an dernier et nous
avions promis de venir les voir si nous étions en Angleterre. Ils
habitent un petit village perché haut dans le Dartmoor National Park
et n'emprunte pas la route B 3193 ni la B 3212 pour ne pas être dans
la circulation mais des petites routes pour s'entraîner trois ou
quatre fois par semaine en vue d’un marathon. Il y a 16 km avec
quatre sévères et longues pentes agrémentées de descentes dans
des gravillons et du macadam en mauvais état. Je suis obligée de
pousser mon vélo lamentablement à quatre reprises pour me hisser
jusqu'à destination et arriver complètement épuisée, en me
promettant de ne jamais plus aller jusqu'à Christow à vélo.
Heureusement
le plaisir de nous retrouver pour la soirée dissipe la fatigue mais
le lendemain pourtant notre organisme n’aura pas entièrement
récupéré des efforts de cette fin de randonnée inoubliable.
Etape 25. Christow / Exeter / Newton-Poppelford (Devon) 54 km
Un
très petit bac et une soirée bilingue
Notre
itinéraire le plus facile depuis le village de Christow est de
prendre, par une autre route que la veille, la direction d'Exeter où
nous admirons à nouveau les abords de la cathédrale. Une reposante
journée s'annonce car nous pédalons le long d’un canal dans
l'estuaire de l'Exe, complètement plat et même marécageux, domaine
des vaches, des oiseaux et des roseaux.
Un petit bac permet de
traverser le canal et de rejoindre le joli et tranquille village de
Topsham, autrefois port de péage pour les marchandises vers Exeter.
Le bac est une grosse barque métallique qui nous emmène nous et nos
vélos mais le capitaine ne prend personne d'autre, jugeant que le
bateau est assez chargé.
Après
Budleigh Salterton, nous remontons le long de la rivière Otter pour
arriver à Newton-Poppelford où nous sommes attendus par un couple
de cyclistes. Colin, très francophile, tient à parler français,
bien que ce soit encore très laborieux et même si Sally, sa femme,
comprend à peine. Philippe tient à parler anglais pour s'améliorer
et finalement nous nous entendons très bien en passant d'une langue
à l'autre. Les dîners dans le jardin sont fréquents depuis quelques
semaines puisque le temps est particulièrement ensoleillé, et à
vrai dire carrément anormalement beau, au dire des Anglais
eux-mêmes.
Etape 26. Newton-Poppelford (Devon) / Lyme Regis / Winterbourne
Abbas (Dorset) 72 km
Lyme
Régis, une belle station balnéaire, une route dangereuse et 2000 km
à notre actif
Notre
hôte, Colin, nous sert de guide pour les douze premiers kilomètres
sur une route plus jolie, moins encombrée, généralement moins
vallonnée mais plus longue que celle prévue. Comme il a un vélo à
assistance électrique, il prend mes sacoches mais cela ne
m'empêchera pas de pousser, encore et toujours, mon vélo sur la
dernière pente annoncée à 20 %. Après, c'est un bonheur total de
rester longtemps sur une crête en faux plat descendant pendant des
kilomètres en donnant seulement quelques coups de pédale
nonchalants.
Lyme
Regis est une sympathique station balnéaire sur la côte sud de
l'Angleterre. Cette partie de la côte appelée "côte
jurassique" est constituée de falaises de différentes ères
géologiques où l’on y trouve quantités de fossiles. La rue vers
la plage est une descente vertigineuse qui tétanise les doigts sur
les freins. La région va engager des travaux importants car le
rivage recule ici et près de 500 maisons sont menacées de
disparaître à plus ou moins long terme.
La
A 35 jusqu'à Bridport est la pire route que nous ayons vue et nous
essayons de la quitter le plus tôt possible. Étroite, avec une
circulation intense de voitures et de camions dans les deux sens,
sans bas-côtés pour se rabattre, c’est un cauchemar pour
cyclistes et peut-être aussi pour les chauffeurs de camions.
Heureusement, après Bridport, des petites routes calmes sillonnent
la campagne. Les maisons à toit de chaume sont nombreuses.
Mon
compteur affiche ce soir 2 001 km, sans les kilomètres marchés à
pousser ma monture car pendant ces marches forcées, le compteur se
met au repos, lui ! Du repos, nous en avons besoin car le relief
reste encore par endroits assez vallonné.
Etape. 27. Winterbourne Abbas (Dorset) / Bournemouth (Dorset)
62
km
Presque
une journée de repos grâce à des pentes de plus en plus douces,
une
sympathique rencontre sur un bac et une promenade sur la plage
C'est
maintenant une tradition pour nous. Nous débutons la journée par un
petit déjeuner anglais avec jus de fruit, céréales, œufs, tomates
et champignons cuits, toasts, etc. Nous n'avons pas adopté les
saucisses ni les haricots blancs à la sauce tomate, ni même le thé.
Ce petit déjeuner consistant, notre carburant, nous permet d'être
assez flexibles sur l'heure du déjeuner. Aujourd'hui nous découvrons
non sans surprise à côté de l’œuf, le toast frit, bien gras, que
nous n'arrivons pas à avaler.
Nous
reprenons la route dont le relief s'adoucit peu à peu : les pentes
sont moins longues et moins raides pour notre plus grand bonheur. A
Corfe Castle, les ruines impressionnantes du château qui se
découpent dans le ciel bleu font notre admiration. Le château a
donné son nom au village aux maisons de pierre coiffées de dalles
de pierre gris foncé.
La
côte près de Bournemouth forme un golfe que nous franchissons grâce
à un grand bac. Un couple de cyclistes nous aborde et nous avons le
temps de sympathiser avant de mettre pied à terre, si bien que nous
finissons à une terrasse pour ne pas nous quitter si vite. Si nous
n'avions pas déjà réservé dans un hôtel, nous aurions eu une
chambre gratuite chez l'habitant.
Bournemouth
et Poole forment une même agglomération où, paraît-il, nombre de
riches footballeurs ont élu domicile. C'est un peu la Riviera ici
grâce à un climat exceptionnellement ensoleillé où poussent des
palmiers, à une très belle plage, à un golfe où s'abritent des
centaines de bateaux de plaisance.
Bournemouth
s'étage sur des collines et un grand parc relie l'élégante
promenade le long de la mer au centre ville. Ce soir, il est vibrant
d'activité car un festival de cuisine se déroule. On peut choisir
des plats de différents pays à des stands et les déguster à des
tables dressées en plein air.
Etape 28. Bournemouth / Netley (Hampshire) 69 km
Enfin
du terrain plat, le parc national de New Forest et le meilleur café
d'Angleterre
Bournemouth
étend de majestueux hôtels et résidences le long de la "promenade"
du bord de mer, idéale pour la promenade des vacanciers et des
cyclistes empressés de quitter la route pour admirer la mer. La
longue et large jetée est pourvue de restaurants, de divertissements
divers.
Le
relief est maintenant plat et nous apprécions pleinement ce pédalage
facile. Pendant des kilomètres, nous contemplons les vagues qui
viennent mourir sur les plages de galets, encore très peu
fréquentées malgré un soleil éclatant.
Le
parc national de New Forest se situe à l'ouest de Southampton. On y
trouve de la forêt mais surtout de la lande, des chevaux, des poneys
et des vaches en liberté qui peuvent traverser les routes. Nous nous
approchons pour faire une photo mais un poney, très amical, se
frotte tellement à Philippe que je suis obligée de l’écarter en
le caressant. Un cheval vient alors se joindre à nous et me pousse
doucement dans le dos, semblant me dire que lui aussi il apprécie
une caresse.
Ce
soir, près de Southampton, dîner végétarien, comme souvent chez nos hôtes cyclistes. En Angleterre, environ 10 % de la population ne
mangent plus de viande et sur beaucoup d'emballages, on peut voir un
V en vert signalant que le produit est végétarien. Dans la majorité
des restaurants, un ou plusieurs plats végétariens sont proposés.
Dan, végétarien depuis 30 ans, a vécu à Cannes et travaille pour
l'équipement de yachts. Il prépare un merveilleux café. Méraid,
journaliste, écrit des articles sur les voyages. La soirée est donc
parfaite.
Etape 29. Netley / Brighton-Hove (East Sussex) 118 km
Passage
de trois bacs en bord de mer, une étape en terrain plat mais qui met
les
nerfs de Philippe à rude épreuve
Dan
et Meraid nous guident dans des ruelles, des chemins bitumés ou non,
des routes de campagne, souvent sur la piste cyclable n° 2 pendant
une vingtaine de kilomètres. Au moment où je me plains des
ralentisseurs trop raides, Meraid tombe sur un ralentisseur.
Heureusement, elle s'en sort avec quelques égratignures. Décidément,
il y a encore beaucoup à faire pour la sécurité des cyclistes.
Rapidement,
nous passons le premier bac, peint tout en rose, à Hamble le Rice
puis traversons la localité de Gosport et nos hôtes d'un soir nous
laissent au pied du deuxième bac qui nous emmène à Portsmouth.
Ensuite, nous faisons du saute-mouton de Southsea à South Hayling
sur le troisième bac.
Nous
avons l’ambition de suivre l’itinéraire cyclable n° 2 qui va
jusqu'à Douvres et qui ne devrait pas nous emmener loin de la côte.
Malheureusement, cette piste va de gauche, va de droite, passe sur un
trottoir, puis sur une autre, fait des zigzags incompréhensibles,
nous laissant perplexes à de multiples intersections. Après 80 km,
la fatigue se fait sentir et nous bouillonnons contre les itinéraires Sustrans qui sillonnent le Royaume-Uni parfois sur des chemins
caillouteux et des pentes à dégoûter les cyclistes les plus
courageux. Les itinéraires ont la particularité d’être pleins de
surprises : on peut commencer par une large et belle piste
bitumée qui inspire confiance, puis rouler sur une surface non
revêtue qui ralentit l’allure, puis encore voir la largeur se
réduire à quelques centimètres de terre battue où les jambes sont
occasionnellement caressées par les orties. Des tronçons peuvent
être carrément impraticables les pieds sur les pédales car des
pourcentages de 20 % ne sont pas à la portée de tous.
Etape 30. Brighton-Hove / Hastings (East Sussex) 68 km
L'inoubliable
itinéraire n° 2 de Sustrans et l'inoubliable William of Normandy,
dit
Guillaume de Normandie
La
promenade en bord de mer à Brighton est presque uniquement pour nous
vers neuf heures. Quelques très rares cabines de plage sont déjà
ouvertes et leurs propriétaires s'installent tranquillement pour des
heures de lecture, de bronzage ou de jeux avec les enfants. Après
Brighton, la côte est à nouveau "côtelée" à cause des
célèbres falaises qui festonnent le bord de mer et offrent de beaux
points de vue sur la campagne et les villes.
Nous
pratiquons beaucoup les trottoirs, expressément autorisés aux
cyclistes ou non, tant pour notre sécurité que pour la sérénité
des automobilistes. Cela ne nous a jamais valu la moindre remarque ou
regard désobligeant. Aux environs des villes, les bandes bitumées
le long de bas-côtés sont fréquentes et nous y avons pédalé sans
doute sur quelques centaines de kilomètres. Les bordures de
trottoirs, les bateaux, sont d’ailleurs d’excellence qualité en
Angleterre pour assurer la mobilité des personnes handicapées, très
nombreuses, en fauteuil électrique. En ville, les trottoirs ne sont
jamais des crottoirs pour les chiens. Jeunes et vieux, riches ou
moins riches, les propriétaires de chiens ramassent
consciencieusement les déjections.
Quand
nous trouvons la piste n° 2 qui longe notre itinéraire, nous
l'empruntons pour éviter la route et donc les voitures, ce qui nous
donne l'occasion, entre Brighton et Eastbourne, de prendre le pire
chemin que nous ayons vu. La pente est raide, qu'importe nous sommes
maintenant entraînés ! Ce n'est plus bitumé, qu'importe nos
pneus sont neufs et relativement adaptés ! Mais petit à petit,
ce n'est plus que trous, cailloux, ornières, bancs de sable,
gravillons qui nous font vaciller sur nos vélos chargés auxquels
nous imposons des zigzags pour éviter les plus gros pièges. Ensuite
la descente se fait à 6 et 7 km/h tellement la piste est mauvaise.
Enfin, le bitume revient mais nous impose une descente très raide
dans Newhaven sur un trottoir heureusement terminé par une chicane,
afin de ne pas avoir la témérité de descendre droit dans le port.
Par temps de pluie et en sens inverse il n'est pas envisageable de
faire cet itinéraire les fesses sur la selle tellement la côte est
forte. Notre colère contre les itinéraires Sustrans monte d'un
cran.
Pevensey
était un port lorsque Guillaume le Conquérant, appelé William of
Normandy, a débarqué près d’ici en 1066, à un endroit appelé
Norman’s Bay (la baie du Normand). Pevensey est maintenant à un
mile de la côte. Guillaume s'est tout de suite installé dans la
grande enceinte en pierre du camp romain et quelques jours plus tard
est allé livrer bataille aux environs d’Hastings. Il a ensuite
fait construire un château, maintenant en ruines, que l’on peut
visiter avec audio-guide (seulement en anglais) permettant de réviser
cet important épisode qui a changé l'histoire de l’Angleterre.
Etape 31 Hastings / Dover (Kent) 75 km
Une
certaine impatience de rejoindre Douvres
Nos
vélos n’ont pas dormi cette nuit dans une salle à manger, dans un
couloir, dans un garage ou dehors. En face de notre hôtel, le
parking pour autos compte sept boxes tout bleu pour garer
individuellement et gratuitement des vélos.
Nous
quittons aussi la côte toute bleue car la route escalade les
collines. L’itinéraire n° 2, toujours lui, nous conduit en
direction de Fairlight sur une petite route bordée de maisons aux
jardins soignés mais au dénivelé qui ne nous enchante pas. Nous
pensons qu’après cette côte qui atteint 18 %, nous en aurons
fini. Malheureusement, au sommet, nous nous apercevons que la route
redescend et remonte autant plus loin. Nous faisons demi-tour et
prenons la route relativement plus fréquentée mais cependant
sportive.
Un
grand camp militaire est installé le long de la côte que nous ne
voyons plus derrière une digue et près d’éoliennes qui tournent
leurs ailes bien moins vite que nos jambes. Des maisons et des prés
sont assoupis dans des terres très basses où poussent des roseaux.
A
partir de St-Mary, une haute promenade de béton longe la plage
pendant des kilomètres, puis la plage disparaît sous un enrochement
artificiel qui sert de brise-lame. C’est une formidable piste pour
cyclistes que nous parcourons jusqu’à Folkestone. La direction du
tunnel sous la Manche est indiquée en anglais, français et
allemand.
Le
temps hésite maintenant entre soleil et pluie et nous voyons de loin
se dresser le fier château de Douvres. Mon compteur après une
longue descente affiche 2 396 km.
Demain,
dans la zone portuaire du ferry et encore en Angleterre, nous reprendrons automatiquement la conduite à droite. Nous laisserons,
comme à l’aller, nos chers vélos en compagnie des gros camions en
fond de cale pendant que nous profiterons du confort douillets des
fauteuils en regardant s’éloigner les blanches falaises de la côte
anglaise.